DESTIN DE FEMMES, Épisode 25, les malheurs de Marie Anne

Quand on me l’a ramené il n’était guère en bon état, à moitié conscient il hurlait de douleur. Ses yeux vitreux et son teint cireux ne me plurent guère. Lorsque les paysans qui étaient avec lui au moment du drame le déposèrent sur le lit, il lui échappa un cri animal venu du plus profond de lui qui fit peur à toute l’assistance. Ses deux pauvre jambes écrasées étaient sanguinolentes, on m’aida à lui enlever son pantalon, Pierre gueulait comme un cochon qu’on égorge, mon fils Louis tremblait dans son coin.

Devait-on faire venir un médecin dans son état?  On convint que ce serait perdre pour rien quelques sous. On tenta de lui faire boire un peu de prune ce qui était bon pour tout. Dans un premier temps il nous sembla que cela le soulageait. Mais malheureusement ce ne fut vraiment que de courte durée.

Comme on ne pouvait rien faire on le laissa et les hommes me racontèrent l’accident.

 » Le Pierre depuis la mort de sa fille il est plus le même, il est négligent, bâcle son travail, alors le chargement de bois il a dû mal l’attacher. Quand on est arrivés à la petite côte à la sortie du village et bien le chargement lui a versé dessus. Il y avait des belles pièces, bien lourdes alors forcément le Pierre il a dérouillé. Le temps qu’on lui enlève tout de sur lui et bien il était déjà pas bien  »

Tout le monde finit par quitter la maison me laissant seule avec les enfants et mon mari moribond.

Je me couchais avec mon fils, mais Pierre râla toute la nuit. Mes fantômes se mêlaient à ses cris pour me terrifier, je finis par m’assoupir d’un vilain sommeil.

Le matin c’est la petite Aurore, la fille de Pierre, âgée de six ans, qui vint me secouer pour me dire que son papa ne bougeait plus.

De fait, il régnait dans la chambre un silence assez pesant,alors j’ai ouvert la porte de la maison pour faire pénétrer de la lumière. A l’extérieur un soleil bizarre éclairait une scène muette, le chien n’aboyait pas, les chats ne venaient pas se frotter le long de mes jambes, les poules semblaient immobiles et les feuilles des arbres bruissaient à peine. J’allais voir mon homme, ses yeux étaient révulsés, sa bouche tordue. Avec peu d’espoir je lui pris la main, aucune réaction, son bras retomba le long du lit, sa nuque commençait à être raide. Mort mon Pierre, tué par une faute, tué par le chagrin, tué par la mort de sa fille chérie. Je fus en colère, pourquoi me laisser, pourquoi avait- il abandonné la partie ?

Il me fallut organiser les obsèques, je savais faire, on prend de l’expérience dans tout.

Toilette mortuaire, que je fis, aidée de Rosalie et de la petite Aurore. Cette dernière était bien un peu apeurée et dégoûtée, mais elle avançait en âge et ce genre de corvée incombait aux femmes. Je sacrifiais mon plus beau drap pour lui faire un linceul et je lui fit faire un beau cercueil avec des jolies planches que Pierre gardait en réserve pour justement ce genre d’occasion. Comme cela il y avait juste à payer la façon au menuisier. Je lui ai fait dire une belle messe et le peu d’économies que j’avais, passèrent dans les mains grasses de monsieur le curé.

Il aurait aimé être non loin de sa fille mais ce fut un refus catégorique, pas d’adulte dans le carré des enfants morts.

On réorganisa la maison, mon fils âgé de treize ans fut envoyé comme valet dans une grande ferme,

Eugénie ma fille aînée de mon mariage avec Portier vint s’installer avec moi en attendant de trouver un mari et enfin la Rosalie quitta Sancy les Provins et emmena son petit Désiré.

Il restait le problème d’Aurore, je l’aurais bien gardée mais le conseil de famille dont je ne faisais pas partie, car j’étais une femme ne le voulut point. La petite le cœur déchiré quitta sa maison. Pensez bien que l’on ne pouvait confier l’éducation d’une gamine à cette bande de femelles et qui regroupaient à elles seules plus de naissances illégitimes que le reste du village .

Rosalie Désirée Ruffier

Pour partager les frais je m’installais avec maman et ma sœur dans la maison du Pierre.

Je trouvais que ma mère c’était remise bien vite de la mort de son deuxième, peut être que cela était dû à notre présence.

De fait nous eûmes quelques mois de pure félicité. Il régnait dans cet intérieur de femmes comme un parfum de bonheur et de complicité, maman encore jeune était une femme à part entière et ma petite sœur de vingt et un ans se découvrait en son corps et en sa sexualité. On se confiait tout, et la liberté de ne pas avoir d ‘homme dans les jambes nous permettait quelques libertés et impudicités.

Un jour à moitié nues toutes les trois pour la toilette, nous nous sommes battues en nous éclaboussant, ce fut une franche rigolade.

Mais hélas trois fois hélas et en cela maman avait raison cette foutue baraque sentait la mort.

Aux premières chaleurs mon garçon Désiré se trouva indisposé, il était déjà sevré depuis longtemps donc ce n’était pas le passage au lait de vache. Tout ce qu’on lui donnait il le rendait par un coté ou l’autre. Maman que je n’avais jamais vue aussi maternelle et prévenante lui donnait à la becquée de la bouillie mais rien n’y fit, le petite âme monta au ciel le vingt sept mai 1847.

Matériellement j’étais débarrassée de mes fruits défendus, plus de bâtard à mettre dans ma dot. Un nouvel avenir s’ouvrait devant moi, peut être un gentil garçon sérieux, travailleur avec qui je pourrais construire un ménage.

Tout cela était bien beau mais avais-je vraiment envie d’une telle stabilité.

Un jour ma sœur et moi on a été courtisées par deux bergers de la commune de Meilleray. Nous étions en visite chez notre frère aîné à Augers en Brie et eux en goguette. Ce fut parfaitement anodin, des banalités, des mièvreries, si cela convenait à ma sœur qui n’avait jamais vu le loup à moi cela me semblait un peu puéril.

Mais bon comme j’étais partante pour une nouvelle bêtise et qu’une envie impétueuse d’être dans les bras d’un homme me taraudait le bas ventre j’acceptais ,sous couvert de chaperonner ma sœur d’un nouveau rendez vous. Évidemment accepter de se revoir était pour ces hommes une sorte d’acceptation et ils furent beaucoup plus entreprenants. Pour qui nous prenait-on? Des catins….

Eugénie ce jour là ne résista guère et sans mon arrivée elle jetait sa vertu aux orties. Moi j’avais appâté le galant mais je ne l’avait pas encore ferré. Ce petit jeux dura un moment, mais le corps à des limites à la résistance. Ma petite sœur ne fut plus pucelle et moi j’ avais encore cédé.

Le petit jeu de l’amour continua un moment, moi j’étais repartie sur Sancy comme domestique mais nous avions de bonnes jambes et l’on se retrouvait en nos moments de liberté.

 

 

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