LES FARINIERS DE LA ROULIERE, PARTIE 9/17, GROSSESSES PAS TOUJOURS DÉSIRÉES

Le 23 juin 1716 on amena le petit Antoine au cimetière, rien que de très simple, un drap de lin pour linceul, un trou et quelques pelletées de terre.On allait pas se mettre en frais pour un enfant qui n’avait pas vécu. Pierre avait été prévenant,le petit avait été baptisé avant l’issue fatale. L’âme d’Antoine serait préservée et la réputation des parents aussi

Pierre retourna à sa meule aussitôt, et Marie en soignant ses bêtes réalisa qu’elle portait de nouveau.

Peut être que Pierre va traîner la gueuse à la Grenouillère de temps en temps mais il profite également du ventre de sa femme tous les soirs. C’est un don en soit  que le bon Dieu lui accorde. Pour Pierre c’est du plaisir, pour Marie cela s’appelle le devoir conjugal.

Les grossesses pour cette dernière sont en somme des périodes de repos à l’impétuosité de son mari, encore qu’il faille résister à la tentation qu’il aurait de vouloir explorer d’autres voies.

Jean arriva fin 1716, contrairement au précédent rejeton il est magnifique, les mauvaises langues disent même que puisqu’on est sûr de la mère la différence viendrait peut être du père. Commérage de lavoir, Marie droite dans ses jupons ne les relevait que forcée par son mari.

Ce qui est le plus bizarre c’est que Pierre s’intéresse un instant à cet être emmailloté, qui le regarde curieusement. Ce fut fugace et rapide mais Marie crut le voir sourire. Son mari ne s’ intéressant qu’à la marche de son moulin elle en fut très surprise.

Pierre fut  fier d’obtenir que la marraine soit Marie Henriette Godineau, cette jeune personne qui leur fait honneur est la fille d’un marchand mais aussi la petite fille d’une Marie Poirel rattachée à la famille d’Hannibal Poirel celui présent à son mariage. Pour Pierre cela confirme son importance propre au sein de la société du comté de  Benon. Marie est plus perplexe et ne sait quoi en penser car cette famille n’est après tout composée que de nouveaux convertis.

Tellement peu sûre,  Marie se confia au curé et lui demanda si le baptême serait légal aux yeux de l’église malgré que la marraine soit née d’un mariage clandestin.

Rosnay le vicaire la rassura et en compagnie de Pierre Néraudeau un gras marchand; l’héritière  signa d’une belle plume le registre paroissial.

Marie la Fleurissonne après, Jean fait le nécessaire pour ne plus avoir d’enfant. De façon classique elle prolonge son allaitement, il paraît que c’est efficace. Puis à l’église elle prie et encore prie pour qu’elle ne soit pas prise.

Un jour il lui semble même que la statue de la vierge à l’enfant dans l’église Saint Pierre la regarde d’un drôle d’air après sa supplique. Elle ne sait si elle sera entendue mais au moins elle aura essayé d’interférer sur la nature.

Puis il faut dire que ce désir de ne plus avoir d’enfantslui coupe toutes ses envies de femme. Non pas que Pierre se préoccupe de cela mais un jour il lui fait le reproche d’être sèche comme une vieille noix. Elle a le malheur de lui répondre, tu peux aller voir ailleurs. Une torgnole et un c’est déjà fait, concluent la soirée, Pierre range ses affutiaux et quitte la chambre commune.

Marie a un peu peur d’être répudiée mais une querelle de couple n’occasionne jamais ce genre de désagrément. Le lendemain, tout rentre dans l’ordre.

Au bout de quatre mois Marie est remplie à nouveau, cette fois elle hurle, tempête et se dispute avec Pierre. Cette histoire d’allaitement c’est des conneries, elle en a parlé à Jeanne sa belle sœur. Le couple fait comme cela, Jeanne dit que son homme saute de la carriole en marche.

Pour les autres grossesses elle avait pu travailler jusqu’au bout,  là après  six mois elle ne peut plus se traîner. On dirait une grosse laitière et son horizon se restreint au moulin. Elle ne peut même plus aller à la messe . Les ailes qui tournent lui donne la nausée, foutu travail qu’être femme.

Au vrai elle manque d’en crever de cette aventure, dans le ventre elle en a deux.

L’accouchement dure des heures, elle souffre, va en mourir, la maisonnée s’inquiète. Une première fille, manquait plus que cela, le second bébé ne vient pas, la matrone fait se qu’elle peut, puis le miracle arrive, un dernier effort, tout lâche, le bébé, le placenta et les chairs. La douleur est intolérable, elle est exsangue. Le deuxième est encore une fille mais elles font pâle figure, petites, fripées, elles ressemblent a des petits chats qu’on jette le long des murs pour s’en débarrasser.

Mais curieusement elles ne crèvent pas et la mère non plus, la félicité règne au moulin.

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