LE BÂTARD DE LÉONTINE, ÉPISODE 1, l’enterrement

 

 

LE BÂTARD A LA LÉONTINE

Malgré que ce fusse l’entrée de l’automne la chaleur était encore forte, François mal à l’aise regardait fixement devant lui, semblant être incommodé par la température trop vive.

La pièce où il se trouvait n’était guère grande et à la voir on pensait plus à un débarrât qu’à une chambre.

Un lit bateau en bois de merisier à la mode et qui commençait à se répandre en nos campagnes; occupait la plus grande surface.

Le long d’un mur une armoire branlante vermoulue par les âges et transmise de dot en dot semblait veiller à sa maîtresse qui n’était plus.

A coté une table de toilette avec une plaque de marbre où se trouvaient une cuvette et un broc d’eau .

François ne se rappelait pas avoir vu la forme allongée sur le lit se servir d’un tel récipient pour un usage intime, mais de fait connaissait-il vraiment celle que maintenant il veillait.

Sous le lit une paire de vieux chaussons attendait son propriétaire, comme d’ailleurs attendait pour un autre usage un pot de chambre en ferraille émaillé.

A la lumière dansante d’une bougie, car la ferme de Malcote dans la commune du Bernard n’était encore point raccordée au réseau d’électricité, on apercevait un corps immobile.

François était gêné de veiller auprès de cette statue hiératique, partagé entre le fait d’être à sa place et de ne pas y être.

Blanche comme un gisant, fixée pour l’éternité comme une pierre sculptée, les mains jointes serrées autour d’un chapelet, les paupières closes, revêtue des ses habits du dimanche, Léontine était couchée en attente de sa dernière demeure.

Furtivement mal à l’aise, encombré de la douleur récurrente de son âme, François regardait celle qui lui avait donné le jour.

Il avait redouté le moment où il devrait se conduire en fils, envers celle qu’il ne considérait pas comme sa mère.

Cela faisait quarante ans que de relation en réflexion, il en était venu à la conclusion que cette femme n’avait été qu’un ventre qui avait rejeté un mauvais fruit.

Mais ce corps où déjà se formait quelques vilaines tavelures n’était pas le seul centre d’intérêts de notre homme. A sa gauche sur une chaise Georgette dix huit ans veillait aussi, c’était sa cousine la fille de Pascal le patron de Malcôte. Elle se piquait malgré les temps difficiles d’être plus qu’une paysanne. Son accoutrement de fille de la ville lui valait des gueulantes de la part de son père et des remontrances outrées de sa mère.

Ces derniers ayant de mauvaises grâces abandonnés les calottes, la laissait maintenant s’habiller comme celles de son temps. Elle portait une robe courte à fleurs attachée sur le devant avec des jolis boutons nacrés.

François émerveillé, laissa monter son regard, des jolies soquettes blanches à la pliure que formaient les jambes croisées de Georgette.

Pudiquement il espérait apercevoir un morceau de coton blanc,ultime rempart de l’intimité de cette cousine que secrètement il désirait.

Lui, des morceaux de choix, pommettes roses, chair blanche et dents nacrées il n’en avait jamais touchés. d’ailleurs ni des comme cela, ni des autrement, les dames de la Roche sur Yon on avait pas le droit d’y toucher de cette façon ou alors il fallait encore payer plus cher.

Soudain un bruit s’éleva de la morte, les fluides corporels poussaient les gaz, cela ne sentait pas bon. Mais François esquissa un sourire, Georgette qui le vit,  tenta d’en réprimer un à son tour. Puis la tension, l’incongruité du moment , le fou rire les gagna peu à peu.

Ils le masquèrent mais rien n’y fit, tante Georgette entra comme une folle prête à gifler sa fille puis tétanisée de voir le propre fils de la défunte rire aussi, s’en alla en haussant les épaules.

Les deux reprirent  leur sérieux et lui regarda de nouveau sans la voir sa mère. Finalement lui et elle, étaient  de parfaits étrangers. Mais maintenant à tout bien réfléchir il se demanda en voyant ce corps inerte si le destin qu’elle avait eu et la vie qu’elle lui avait donné avaient  vraiment été un choix délibéré

Une réflexion au sujet de « LE BÂTARD DE LÉONTINE, ÉPISODE 1, l’enterrement »

  1. Ping : LE BÂTARD DE LÉONTINE, ÉPISODE 3, la vieille Clémentine | Arbre de vie

Laisser un commentaire