LES FARINIERS DE LA ROULIERE, PARTIE 7/17, LE FONDATEUR

Le vieux Jean

Marie avait épousé Pierre mais aussi épousé Jean le père . Son statut de meunière elle le doit au cacochyme qui traîne maintenant dans ses jambes, comme si il avait mandat de la surveiller. Garde moulin et garde chiourme, qu’il est devenu le fondateur. Plus apte à grand chose, elle a l’impression qu’il passe son temps à bâfrer et a regarder ses jupons. Combien lui reste t ‘il d’années à vivre, quel age a t ‘il d’ailleurs ce Vendéen expatrié en Aunis.

A vrai dire il n’est pas si vieux, sa peau parcheminée n’est pas révélatrice de son age réel et sa boiterie ne correspond pas aux décennies qu’il a pu vivre.

Non depuis la mort de sa troisième femme et l’attaque qui l’a terrassé, il n’est que l’ombre de lui même. Il se sait bon à rien et sait que sa vie s’écoule comme du sable dans une main et que le jour de son jugement dernier approche comme un nuage par grand vent.

Il est né semble t’ il pendant les événements de la fronde lors de la jeunesse de notre grand roi Louis le divin quatorzième. Cela lui fait soixante ans, Marie se dit qu’elle va devoir le supporter un moment et qu’elle sera fanée comme un coquelicot lorsqu’elle pourra sans crainte faire toilette dans sa propre maison.

Un jour que son mari était à la foire de Courçon, que son beau frère flemmardait et papillonnait au cul de quelques journalières elle se dit que sa grasse beauté féminine s’exalterait mieux après une salvatrice toilette.

Elle eut à peine le temps de libérer sa poitrine qu’elle entrevit une paire d’yeux qui la scrutait et qui l’aidait à se déshabiller. Elle se rhabilla en hâte et explosa de colère, son beau père était  un vicelard qui se rinçait la vue.

Le soir elle se plaignit à son mari, éructa, cria, pleura. Pierre s’expliqua avec son père, ce fut orageux, les deux hommes étaient entiers et colériques.

Le lendemain le vieux avec son maigre baluchon se décida à repartir à l’île d’Elle. Pierre ne put l’en empêcher, il craignait maintenant pour son Moulin. Le propriétaire voudrait-il lui confier sans la présence de l’ancêtre.

Pour Marie ce fut la délivrance, il ne lui restait  dans les jambes que Jean son beau frère âgé de seize ans.

Début mars 1712 un drôle de gars parlant comme son beau père et comme son mari autrefois se présenta devant Marie.

C’est un falin de Nicolas Fleurisson l’oncle de Pierre, il lui annonce que le vieux est mort dans la journée du 4 mars et qu’il a été enterré le lendemain.

Son mari est un peu peiné mais le marque que très peu, il est chef de famille désormais .

L’année suivante le 17 mai 1713 c’est la liesse au moulin, Pierre a un fils, c’est bien évidemment un nouveau Pierre qui vagit sur le ventre meurtri de sa mère.

Pour un peu on sonnerait le tocsin, le fils du farinier de la Roulière a un héritier, c’est un peu comme une naissance royale mais en plus modeste, quoi qu’en dise le père.

Il saute partout, il embrasse tout le monde, paye à boire à tous ceux qui passent.

Pourvu qu’il vive.

C’est Pierre Gaucher qui a l’honneur d’être parrain, un fils de farinier ne doit avoir comme parrain qu’un farinier, pour la marraine on se contentera de la fille Rouault. La Jeanne qui peut être pourrait se lier à Jean emmènera le divin enfant sous les fonds baptismaux.

Dès lors les maternités s’enchaineront.

En septembre 1715, Il fait chaud, Marie a les jambes gonflées, elle sait qu’elle approche du terme. Elle a vaguement calculé; mais son corps ne trompe pas. Comme chaque matin elle va nourrir ses volailles, ils en font une grande consommation au moulin car certains clients restent manger pendant que les meules écrasent leur grain.

Soudain elle entend le tocsin, lève la tête et quitte précipitamment ses bêtes pour rejoindre les hommes.

Pierre ne peut quitter son ouvrage, mais avec Jean de la métairie du Linozeau il passe en revue ce qui à pu arriver.

C’est Jean le frère qui ira aux nouvelles, pour une fois que ce feignant courrait un peu.

Tous attendent son retour avec impatience mais déjà on interroge des villageois qui viennent de quitter le bourg.

  • C’est le roi, c’est le roi

  • Quoi le roi ?

  • Bah il vient de mourir

  • Non de Dieu

  • Enfin il est crevé

  • L e roi est mort c’est donc qu’on en a un autre de nouveau

  • C’est sûrement son fils

  • Mais non pauvre idiote son fils est mort

  • Alors cela sera les suivants

  • Pour sur que non ils sont morts aussi

  • J’espère que c’est pas un de ses bâtards qui va ramasser sa couronne.

Jean quand il revient,  a plus de précisions car le curé et le garde du château ont plein leur bouche de détails.

La saloperie est morte le 1er septembre dans d’atroce souffrance, c’est en expiation de tous les petits qu’il a fait mourir pendant son long règne.

Il paraît qu’il avait une jambe pourrie, oui comme sa fin de règne.

C’est son arrière petit fils qui est roi maintenant, mais il n’a que 5 ans, c’est une horreur, Philippe d’Orléans le nouveau régent est un débauché qui plus est fils de pédéraste.

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