LE GROGNARD DE TAUGON, PARTIE18/25, LE VOL DE L’AIGLE

Puis fin février 1815 tout bascula, on nous demanda de faire notre sac, enfin on allait revenir faire taire tous les gens foutre, on allait jeter dehors tous les ralliés au roi. Notre Jean de l’épée allait leur faire voir de quoi il était  fait.

Le 26 février sans pincement au cœur nous quittions notre rocher, moi j’embarquais sur l’Inconstant avec l’empereur, c’était un honneur, j’allais vivre son quotidien, le croiser tous les jours.

Les autres étaient répartis sur la flottille impériale, l’Étoile et le Saint Esprit.

C’était le commencement d’une nouvelle aventure, une nouvelle vie, d’ailleurs ce n’était pas sans risque , il avait fallut un jour qu’on se jette sur le pont pour ne pas être aperçus d’un navire patrouille anglais.

Mais si l’épopée continuait pour tout le monde pour moi elle prenait une tournure extraordinaire. Le 27 février sur le navire qui nous ramenait en France, Napoléon me décerna la croix, enfin je personnalise ma décoration mais je n’étais  pas le seul à recevoir la légion d’honneur. Tous les soldats et officiers qui avaient  quatre ans de service ce la voyaient attribuer. Évidemment nous n’avions pas de médaille à disposition et nous nous contentâmes d’un simple ruban découpé dans un pavillon.Je pouvais dès cet instant mourir ma vie était faite, c’était l’honneur suprême rehaussé par l’instant magique du retour et par l’histoire qui s’écrivait

Tous ceux qui savaient écrire étaient requis pour recopier les proclamations qui seraient affichées lors de notre remontée vers Paris. Je m’appliquais et je peinais car l’écriture n’était  quand même pas ma spécialité.

Le 1er mars nous arrivions en France au Golf Juan près de Cannes, nous foulions le paradis que cela ne nous aurait pas rendu plus heureux.

Premier bivouac sur la plage, la population n’était guère enthousiaste mais nous fiers comme des dieux grecs nous buvions le paysage fait d’orangers et d’oliviers.

Le palais fut installé chez une dame Jourdan le tondu incommodé par la fumée préféra dormir dehors. Moi de faction je l’observais, où nous mènera t’ il. Lorsqu’il se réveilla , il ordonna le départ. Cambronne était  déjà parti avec une avant garde, déjà quelques soldats de la place d’Antibes nous avaient rejoints.

Le maire de Cannes monsieur Poulle nous fit apporter du pain et de la viande, nous trouvions un goût merveilleux à ces mets de France.

L’on prit la route de Grasse, elle était  dans un état déplorable, il avait neigé et l’on s’enfonçait comme pendant la campagne de France. Le Napoléon se cassa la figure, nous on rigola de bon cœur.

Par contre les cinquante kilomètres que l’on effectua ne nous firent  pas rire du tout, cela recommença et il faut bien le dire nos mois d’inaction dans l’île d’Elbe nous avaient ramollis un peu.

Dans l’instant personne ne se mit en travers de notre route, mais nous empruntions la route des montagnes et non pas celle de la vallée du Rhone qui était  hostile à Napoléon.

Le 4 mars par un chemin muletier très pénible nous arrivions à Dignes , la garnison avait filé ainsi que les autorités. Les paysans étaient venus en masse nous voir , les citadins de la ville s’entassaient aussi dans les rues. L’accueil fut assez mauvais les seuls cris de vive l’empereur furent  poussés par nous.

Pendant que l’empereur se restaurait nous on tenta la fraternisation, l’on discuta et l’on distribua les proclamations. Nous repartîmes avec une poignée de demi solde mais aussi avec des charrettes où étaient posés nos bagages.

Le lendemain direction Sisteron, il était clair que la population ne comptait  pas se mouiller pour nous , elle attendait dans l’expectative que les choses se précisent. Au vrai nous étions  très faibles et n’importe quel détachement pouvait nous arrêter.

Le 5 mars nous pouvions nous envelopper d’un drapeau tricolore et d’acclamations. Enfin ce fut l’empereur qui les reçus mais nous étions sous la source et cela nous gonfla d’importance.

Le soir on arriva à Gap et à Paris le gros bourbon apprenait que Buonaparte avait débarqué. La traque allait pouvoir commencer et nous en redoutions l’issue.

Nous n’avions pas eu d’opposition mais voilà que près de Grenoble un bataillon de lignards nous barra la route . Le 5 ème de ligne commandé par le capitaine Randon était là menaçant, l’empereur s’avança avec une folle témérité.

 » S’il est parmi vous un soldat qui veuille tuer son empereur me voilà  »

Le capitaine commanda le feu.

Personne ne tira, les cocardes blanches furent jetées en l’air et tous crièrent vive l’empereur. J’étais sur un nuage,  où n’irait on pas pour un tel homme.

Le soir c »était  Grenoble, le 7ème de ligne du colonel La Bédoyère fusionna avec nous, la foule aussi, notre Napoléon n’était  plus un aventurier et nous nous n’étions  plus des bandits. L’empereur se dressa avec sa vieille garde et malheur a qui se mettrait  devant nous.

Rien désormais n’arrêta le vol de l’aigle, pas même le comte d’Artois et ce fou de Michel Ney. Le roi fuya, l’empereur rentra chez lui le 20 mars 1815, nous à partir de Lyon on se la coula belle car fini la marche, sur une carriole je me laissais bercer par le cahot du chemin.

Je pensais à ma mère et à mes frères, que de chemin parcouru depuis l’Espagne et surtout depuis mon départ de Taugon, il y avait  bien longtemps que je n’avais  plus eu de nouvelles, j’espérais que rien n’était arrivé de grave.

Le 21 mars l’empereur nous passa en revue, c’était la première de la nouvelle ère, nous l’acclamions ainsi que la foule.

Je retournais à la caserne Babylone, certains d’entre nous sculptait des aigles et on s’efforça de supprimer tous les oripeaux de la royauté.

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