LE ZOUAVE PONTIFICAL, UNE HISTOIRE DE PHOTOS

 

                                      Victor Joseph  Ducoulombier en 1876

Lorsque je suis sur une brocante je me transforme en prédateur, je suis en chasse, je traque, je débusque.

Mon gibier est fait de livres, de vieux documents et aussi de vieilles photos.

Lorsque je découvre ces dernières mon exaltation est à son comble.

Dernièrement un bel achat m’a fait découvrir le visage d’un personnage dont je ne pouvais ne point faire la narration d’une vie bien remplie.

Tout d’ abord abordons la photo elle même, prise dans l’ atelier d’ Alphonse Le Blondel sans doute l’un des premiers photographes de la ville de Lille.

La photo est datée du 26 février 1876 bien que Le Blondel soit mort en mai 1875, l’atelier se trouvant rue du cirque à Lille.

Le personnage porte un élégant veston croisé avec un nœud papillon , la coupe soignée du vêtement sent la bourgeoisie.

L’homme jeune porte une moustache et une barbe à la Napoléon 3, cela peut paraître incongru après la chute de l’empire mais sans doute la persistance d’une mode.

La recherche se serait arrêtée là si notre cher monsieur n’avait point noté son nom et son état.

C’est une chance car finalement sur ce genre de photo les recherches s’arrêtent rapidement en général.

La chance étant de mon coté notre héros porte le nom pas très courant de Ducoulombier.

Pour l’instant j’ai une date et un nom, mais poursuivons. Sous sa signature il note qu’il est ancien zouave pontifical.

Maintenant tout se déroule comme un tapis rouge, car facilement je trouve trace de ce zouave tant dans Gallica que dans Généanet où dans de nombreux journaux de l’époque.

Notre portrait a maintenant un nom

Victor Joseph Ducoulombier né à Tourcoing au 45 de la rue Nationale le 29/09/1844, fils de Ferdinand Joseph et d’Augustine Pinet. Le père est maître charpentier, mais aussi négociant et propriétaire selon les périodes.

Sur la photos il a donc 32 ans.

Intéressons nous maintenant à ce qu’il dit être, c’est à dire ancien zouave pontifical e tachons de savoir ce que ces derniers étaient.

Les zouaves pontificaux ont été créés en 1861 sous forme d’un bataillon puis sous forme d’un régiment en 1867. Sur le modèle des zouaves de l’armée Française dont ils portaient approximativement le même uniforme.

Le régiment est composé de volontaires de tous pays mais majoritairement Français , Belges et Néerlandais.

Le but étant de défendre l’état pontifical menacé par l’unité italienne. C’est un français, le général Lamoricière qui se charge de l’organisation de cette petite armée pontificale.

Cette dernière est écrasée par les piémontais à la bataille de Castelfidardo le 18 septembre 1860, l’état pontifical est alors réduit au simple Latium ( autour de Rome ) et les volontaires catholiques affluent car les états catholiques eux même se moquent bien de l’affaire.

L’armée comptera jusqu’à 18000 hommes, les milieux traditionalistes français paient de leur personne et de leur bourse pour défendre la cause.

Les nationalistes italiens qui leur étaient opposés, les nommaient les  » diables bleus du bon Dieu  »

En 1867 l’armée de Garibaldi tente d’envahir les états c’est la bataille de Mentana, les zouaves font merveille et l’aide d’un corps expéditionnaire français permet le succès et un répit de trois années pour les états pontificaux

Mais en 1870 à la suite de la guerre Franco prussienne, Napoléon III retire ses troupes de Rome et les zouaves de Charette sont seuls à la défense de la capitale du pape. L’armée italienne en profite et le 20 septembre 1870 ils entrent dans Rome. Les zouaves pontificaux sont rapatriés sur Toulon.

De retour en France ils se mettent au service du gouvernement de la défense Nationale qui a succédé au 2ème empire. Les zouaves pontificaux se transforment en légion des volontaires de l’ouest sous la direction de Athanase Charette devenu général.

Sous la bannière du sacré cœur ils participent à la bataille de Loigny mais la guerre cesse enfin et les zouaves sont enfin dissous.

La plus part des zouaves fervents défenseurs de la légitimité monarchique et militants catholiques intransigeants feront survivre la mémoire de leur action.

Sur la photo que je possède l’ancien zouave Ducoulombier écrit  » un défenseur obscure mais dévoué de Pie IX et de Henri V, vive Dieu, vive le Roi. »

                                                               Pie IX

Rappelons pour mémoire que Pie IX est souverain pontife de 1846 à 1878 et que Henri V est le fils posthume du duc de Berry et qu’il est prétendant au trône de France. Il est le petit fil du dernier roi de France Charles X. Ennemi résolu de la branche cousine d’Orléans et des descendants du roi Louis Philippe roi des Français. Né en 1820 il est mort en exil en Autriche en 1883, ayant fait échouer toutes les tentatives de restauration en sa faveur par son intransigeance à refuser le drapeau tricolore.

Comte de Chambord prétendant au trône de France sous le nom d’henri V

J’ai retrouvé les états de service de Victor Joseph Ducoulombier ;

Engagé comme zouave le 26 février 1868

Caporal fourrier le 11septembre 1868

Sergent fourrier 16 octobre 1868

Siège de Rome 1870

Campagne de France 1870 1871 avec les volontaires de l’ouest

Matricule 682

Sergent fourrier le 26 octobre 1870

Sergent major le 26 novembre 1870

Licencié 15 août 1871

il devient ensuite imprimeur gérant du journal des zouaves pontificaux nommé  » l’avant garde  »

Sa carrière militaire est terminée, commence celle de sa vie privée.

Il se marie le 26 septembre 1874 à Lille avec Pauline Marie Joseph Caron fille d’un propriétaire.

                                              Pauline Marie Joseph Caron

A ce moment il est gérant du journal  » la vraie France  »

En présence de ses frères Ferdinand et Alfred tous les deux courtiers en assurance à Tourcoing et des frères de la mariée Alfred et Gustave fabricants de ferblanterie à Lille.

Avec sa femme il auront deux enfants Léon Victor 1875 – 1951 et Alfred Paul Joseph 1896 – 1950.

Le premier deviendra prêtre

                                      Révérend père Léon Ducoulombier

et le second directeur d’assurances.

Voila pour la descendance, Pauline Caron meurt le 11.09.1880 à Lille.

Victor Joseph sera donc imprimeur et gérant du journal la  » Vraie France  ».

Il sera décoré de l’ordre de Saint Grégoire le grand dans l’ordre des chevalier le 5 décembre 1897, distinction accordée par le Vatican pour services rendus en tant que zouave pontifical.

Il sera également titulaire de la médaille des Benemerenti décernée par le saint siège  pour ceux qui ont  rendu de longs et éminents services à l’église catholique.

Il sera également cité comme personnalité à l’enterrement de son ancien commandant le général Athanase de Charette de la Contrie en 1911.

Notre homme décédera à Paris le 07 octobre 1921 et sera inhumé à Lille entouré de ses enfants et petits enfants.

Il convient de rajouter que la photo de Victor Ducoulombier était destinée à l’abbé Aimé Joseph Kochanski né à La Rochelle en 1840 et décédé dans la même ville en 1906, ce dernier étant curé des Portes en Ré en 1876. Ce qui explique pourquoi j’ai trouvé ces photos en Charente Maritime.

Voilà je vais laisser mon personnage retourner à son repos éternel en espérant l’avoir fait un peu sortir de son anonymat .

Peut être que mon texte arrivera un jour sous les yeux de sa postérité et qu’ils me contacteront. On ne sait jamais avec les hasards de la généalogie…..

LES BROCANTES TOMBEAUX DES SOUVENIRS, LA TANTE GABY

 

Gabrielle Marqueyssat

Alors que s’étirait le chemin de mon dernier crépuscule, une balade dominicale me mena au pied des vénérables tours renaissance du châtelet de Matha.

Une brocante s’étendait à ses pieds, les marchands et autres brocailloux avaient déballé leurs étals.

Achalandés des objets les plus divers; ils nous attendaient nous les acheteurs du matin avec une avidité de début de journée. Entre gens du même monde ou entre gens simplement mus par les mêmes passions, les affaires se nouaient et pièces et billets changeaient subrepticement de main.

Le froid était vif mais personne ne semblait y prêter attention tant la recherche de la perle rare minimisait nos ressentis.

J’avais déjà fait mes affaires lorsque en un ultime passage je vis, groupé au pied d’un vieil écritoire, un tas de vieilles photographies. Au vrai le croyez vous, elles n’attendaient que moi. Mon imagination se mit en route et je pensais aussitôt que le destin les avaient mises devant mes yeux afin que je tire du néant une dernière fois le visage de ces pauvres décédés. J’en étais sûr quelque chose  m’avait dirigé vers cette table où des centaines d’objets hétéroclites attendaient que quelques amoureux ne leur redonnent une seconde vie.

Je me saisis avec ravissement de ces bouts de destinée. La première photo était celle d’une petite fille, âgée de quatre ou cinq ans vêtue d’une robe et d’un petit bonnet. Le personnage avait été placé sur un fond représentant une rue de village.

Mais ce qui m’intéressa le plus ce fut le nom de famille qui était écrit sur le verso de la photographie. J’entrevoyais aussitôt les possibilités de narration.

Je continuais la prospection, une jeune femme sur une petite photo carte, là aussi un prénom, c’était le même que la petite fille. Sur une autre, bien plus tardive apparaissait une femme d’age mur avec trois enfants , là encore le prénom était mentionné.

J’avais donc trois photos de la même personne à des ages différents. J’étais aux anges.

En rentrant chez moi, je me fais donc le dur constat que dans cinquante ans ou peut-être moins, personne ne trouvera de tels trésors, car nos souvenirs sont maintenant irrémédiablement enfermés dans une puce de téléphone ou d’ordinateur. Mais ainsi va la vie, ni revenons pas.

Elles sont maintenant étalées devant moi, la petite fille s’appelle Gaby Marqueyssat, ouf le nom n’est point commun.

Ensuite nous avons tante Gaby, puis tante Gaby, avec Roger, Gisèle et Hélène.

Je commence mes investigations avec la photo qui me semble la plus ancienne. Elle a été prise à Paris chez Camille Gratiolet, c’est un photographe de Villeneuve sur Lot qui exerçait au 131 avenue de saint Ouen au début du 20ème siècle.

Cela me paraissait naturel de commencer par celle-ci car c’était Gaby enfant.

J’avais donc un nom et un prénom, mais j’avais plus que cela. Sur une carte dont je vous parlerai plus tard j’avais aussi une adresse.

La famille de Gaby habitait donc sur Cognac place François Premier

Immédiatement je me rendis sur les registres de recensement. Ce ne fut pas long et je trouvais toute la famille. Gaby était Gabrielle et avait vu le jour à Bordeaux .

L’enquête se poursuit sur Bordeaux avec les tables décennales, il y avait trois sections, il fallut donc trouver la bonne. Ceci fait je découvre ma Gabrielle Marqueyssat.

Je me rends maintenant sur le registre de naissance, elle est née le 20 octobre 1901 de Joseph qui est mécanicien et de Jeanne Poujoula tailleuse d’habits. Lui est de Bordeaux, elle de Villeneuve sur lot. Gabrielle a une sœur aînée qui se nomme Irène.

Il n’y a aucun doute c’est la même famille tout correspond.

Je retrouve l’acte de mariage des parents puis je retourne sur Cognac où j’étudie l’évolution de la famille. Joseph est garagiste et la famille s’est agrandie d’un garçon prénommé Marcel.

Tout le monde vieillit, et Irène et Gabrielle deviennent employées de banque à la société générale de Cognac. C’est déjà surprenant pour cette époque.

Vient la grande guerre et ses affres. Au début je vous ai parlé d’une carte où j’avais trouvé l’adresse de la famille. En fait il y en a trois.

Ce sont de biens chastes missives de militaires en peine de cœur et de vie. Deux sont destinées à Gaby qui n’a que dix sept ans, l’amoureux se nomme Alois et signe » votre petit ami » . Il est au front en ce mois d’août 1918. A t-il survécu, se sont -il revus ?

L’autre carte qui représente une jeune fille est écrite d’une superbe écriture,  » chère amie les souvenirs vont de l’un à l’autre. « Je me rappelle et on ne reste que un sentimant douce dans le cœur. Je vive dans l’espérence, souvenir de Alois. » C’est mignon, tendre et plein de fautes.

Puis il me faut bien continuer, Gaby a contracté mariage à Saint Gervais maintenant commune de Nanteuil en Vallée dans le département de la Charente. C’est facile il en est fait mention sur l’acte de naissance.

Nous sommes en 1926 et l’heureux élu se nomme Petit Jean Eugène George, il est né le 10 mars 1900. Contrairement aux usages le mariage a lieu dans la commune de l’homme, c’est bizarre mais pourquoi pas.

Maintenant comment poursuivre, je n’ai plus la possibilité de lire les registres mais il me vient une idée. Une dernière source.

Le livret militaire du marié me donnera peut-être des renseignements.

J’ai de la chance et la vie de Gabrielle se déroule comme un tapis, en 1927 la famille est à la Roche sur Yon, puis l’année suivante ils sont sur Poitiers où le mari de Gabrielle est répétiteur au lycée. Elle est employée à la banque de France.

J’apprends aussi qu’ils auront 5 enfants et qu’en 1965 ils se retireront sur Bayonne.

Gabrielle Marqueyssat épouse Petit décède à Bayonne le 18 juin 1990.

Voila je pense avoir fait revivre cette petite fille et je vais m’intéresser aux autres photos.

L’une d’elle ancienne a été prise 31 cours de l’intendance à Bordeaux, au recto une inscription  » tante Gaby. Au début j’ai pensé que cela pouvait être ma Gabrielle mais ce portrait de femme ne pouvait correspondre car le photographe de cet atelier est mort en 1912 (Jules Fourie ).

 

 

 

Gabrielle Poujoula épouse Sans

Puis qu’elle ne pouvait être Gabrielle Marquessat, qui était-elle ?

La réponse je l’obtins sur une autre photo qui représente une femme dans la plénitude de sa beauté. Aucun doute c’est la même femme que sur le portrait.

Mais j’ai de la chance cette fois je trouve son nom de femme inscrit sur l’arrière de l’épreuve.

Immédiatement je retourne sur les tables décennales de Bordeaux et j’obtiens les renseignements que je cherchais.

Tante Gabrielle est Gabrielle Poujoula née à Villeneuve sur Lot en 1872, c’est la sœur de Jeanne Poujoula la mère de notre petite Gabrielle Marqueyssat.

Elle est modiste et son mari Pierre Sans est employé de banque, le mariage a eu lieu le 04/10/1894.

Tante Gaby est donc la tante de Gabrielle, Irène et Marcel Marqueyssat.

Tante Gaby

 

Si Jeanne et son mari sont partis sur Cognac la tante Gaby est restée à la même adresse toute sa vie.

Les recensement jusqu’en 1936 nous apprennent qu’elle vivait au 77 de la rue Mondemart.

Le couple eut deux enfants, Gaby resta modiste et lui finira courtier. Ils sont tous les deux morts après leur fils René en 1936. Mais je n’ai encore pas terminé de lire le registre du cimetière où se trouve le caveau familial de la famille Sans.

Voila une petite histoire tirée d’un de mes achats en brocante. Si quelqu’un connaît cette famille qu’il me contacte car je possède d’autres photos que j’investigue et qui non pas encore livrées tous leurs secrets mais qui sont liées avec la famille de ma Gaby.

Notamment trois ou quatre photos de Daniel de Saint Aulaire et de Louis de Saint Aulaire. Je n’ai pu encore les identifier, mais ce Louis était le parrain d’Irène Marqueyssat.